L’entretien pré IVG : Mettre en mots, penser les actes
Le 7 aout 2014
Texte de Marie-Laure Bazile et Martine Chosson
Conseillères Conjugales et Familiales
Mettre en mots, penser les actes
Depuis la loi du 4/07/2001, cet entretien n’est plus obligatoire pour les femmes majeures. Il demeure systématiquement proposé. Pour les mineures, cet entretien reste obligatoire et il lui sera remis une attestation d’entretien.
Il s’agit d’un entretien de counselling (tenir conseil avec). Le professionnel formé pour ce type d’entretien - la Conseillère Conjugale et Familiale - facilitera par son écoute la mise en mots et la compréhension psychique des sens possibles à cette grossesse inattendue et de permettre à celle-ci de prendre place dans l’histoire de la femme, du couple.
Même si la plupart des femmes ayant recours à une IVG , vont bien sur le moment, à moyen et à long terme, l’entretien pré-IVG pour un grand nombre de femmes, de couples conserve tout son intérêt.
Ecouter, la parole de la femme et ou du couple, hors contexte médical, par des professionnels formés à l’entretien pré-IVG permet l’intégration de la pensée et du corporel dans une prise en charge globale.
Cet entretien d’accompagnement peut aider la femme et/ou le couple à se situer en tant que sujet de cette grossesse là.
Même si la décision de la femme semble claire, des interrogations, des questions suscitées par l’émergence de cette grossesse, de cette fécondation imprévue peuvent prendre place dans l’espace de cet entretien, ainsi que sur les suites de l’avortement, sur le couple que le partenaire soit présent ou non.
Mettre en mots un acte si décidé soit-il, ou si difficile parfois, permet de le penser. L’entretien peut aussi permettre de comprendre cette fécondation comme une mise en acte, à la place d’une pensée non encore élaborable.
Il pourra aider la femme, l’homme, le couple à aborder leurs questionnements sur le choix des méthodes d’IVG , sur le choix de la contraception d’accéder aux informations et de prendre sa décision la mieux adapter pour elle.
C’est aussi le moment de réfléchir et d’aborder :
les éventuelles prises de risques, au sens du dépistage HIV et IST
les situations de violences
Il est important d’être attentif à ce qui peut émerger autour des violences.
Il faut apprendre à connaître et repérer les symptômes possibles (celui des IVG itératives par exemple).
Accepter le rythme d’évolution de chacune dans les différentes phases d’élaboration (repérer les actes violents, les nommer, briser le silence, libérer la parole, rappeler la loi, retrouver une estime de soi et tenter de surmonter les traumatismes….), pour faciliter la sortie de ces maltraitances de la sphère privée et trouver avec elles les réseaux de soutien nécessaire.
Sa place dans la famille et les normes familiales…
L’entretien peut aider une femme à revisiter la question de ses origines, de sa place dans la famille et dans le couple parental dont elle est issue.
la vie scolaire ou professionnelle….
Prises entre leur désir, le regard social, l’influence religieuse, les femmes peuvent exprimer un sentiment de culpabilité, pouvant jaillir fortement : " Je vais commettre un crime ".
A nous d’accepter l’expression de ces émotions, des sentiments soulevés par cette culpabilité, dans le respect de l’éthique de chacune.
L’émergence d’une grossesse interroge sur le désir ou le non désir d’enfant :
Se préparer à accueillir un petit humain interroge femme et homme sur leur origine, leur présent et leur devenir.
Certaines femmes pensent gagner de la reconnaissance en mettant un enfant au monde ; d’autres, au contraire, craignent de perdre de la reconnaissance, notamment si la réussite professionnelle est importante pour elles.
Certaines grossesses surgissent dans des situations particulières : certaines « fécondation-mise en acte » peuvent s’inscrire dans un élan de vie, loin parfois d’un désir d’enfant.
Exemples : grossesse survenant au moment d’une fragilité du couple, d’une séparation, d’un deuil, d’un renoncement…
Ces grossesses inattendues peuvent aider à se séparer, à se confirmer que l’autre n’est pas le partenaire que l’on souhaite pour être le père ou la mère de cet enfant ; que le partenaire ne correspond ou ne répond pas à ces attentes amoureuses.
Pour certaines adolescentes être enceinte et avoir un enfant les positionnent d’égale à égale vis-à-vis de leur mère.
Pour certaines femmes cumulant détresses sociale, psychologique, économique, la grossesse peut alors être perçue comme une planche de salut, l’enfant c’est l’avenir, même s’il n’est pas rose ! Et en même temps, la grossesse peut aussi être ressentie comme une catastrophe supplémentaire.
Ainsi, les conditions de survenue des grossesses donnent un éclairage pour mieux comprendre les raisons qui conduisent une femme à décider une interruption volontaire de grossesse.
Certaines femmes n’ont aucune idée de leur fonctionnement biologique et corporel. L’entretien pré-IVG a également une fonction d’information en s’ajustant aux connaissances des personnes reçues.
Sans connaissance de son corps, sans éducation à la vie affective, sans notion du respect de soi et de l’autre, comment prendre véritablement conscience des conséquences possibles de la relation sexuelle et de l’importance d’une bonne utilisation des moyens contraceptifs
Inversement, croire au tout contraceptif est un leurre. Aucun humain ne peut contrôler toute sa période de fertilité sans failles, oublis, actes manqués… Nous ne sommes pas des superwoman ni superman !!!
L’utilisation des méthodes contraceptives n’a d’efficacité que si elle est bien faite et bien choisie. D’où l’importance de l’information et de la formation des personnes qui informent ! Sans négliger, enfin, le rôle de cet inconscient.
Il n’est pas rare que des femmes évoquent un échec contraceptif, comme « l’oubli de pilule ». Or cet oubli peut signifier autre chose : exemple : se prouver sa fertilité, mais pas nécessairement de désirer un enfant.
L’entretien peut aider à la femme à s’écarter de cette notion d’accident si souvent évoquée et passer à une position d’actrice de sa décision et non en tant que victime.
Pour une femme ce peut être la première fois qu’elle s’autorise à dire non.
Pour certaines à force d’utiliser des contraceptifs, elles finissent par douter de leur féminité, voire de se percevoir comme stériles.
Il est important de distinguer désir de grossesse et désir d’enfant.
L’entretien pré IVG n’a pas de canevas préconçu et se construit en fonction de ce que la femme apporte dans ses mots, dans sa posture, dans ses émotions, dans son histoire personnelle, familiale, conjugale….
Il s’agit d’offrir un espace de temps, espace émotionnel, espace de parole, espace de réflexion et de prendre en compte la situation sociale et financière des femmes reçues.
La possibilité offerte aux femmes de penser cet acte et surtout la fécondation qui en est la source, permet dans un entretien singulier, un apaisement des tensions et des craintes.
Cet espace de paroles, complémentaire à la consultation médicale, peut aussi permettre de se vivre comme sujet de soi même et avoir une représentation plus active du processus de cette IVG .
Notre pratique s’enrichit de l’autre, et nécessite pour nous professionnelles des remises en question fréquentes dans le respect de chaque situation rencontrée lors des entretiens afin de ni banaliser, ni culpabiliser, ni nier, ni juger ce qui se trame là dans l’interruption de grossesse.
Les entretiens pré-IVG nous situent au cœur de la destinée humaine.
L’accompagnement de la CCF prend tout son sens tout au long du parcours des femmes que se soit en pré IVG , pendant l’acte ou après.